• Révolution : Les urnes, la rue et l’abstention

     

     

     

    La tentation abstentionniste a plusieurs visages. De l’incompréhension de celui ou celle qui ne s’y intéresse pas au néfaste “tous pourris”, le plus dangereux est de donner à son abstention une intention politique. En espérant une “révolution” en lieu et place d’élection, évoquant les succès récents des révolutions du “printemps arabe”, certains abstentionnistes (notamment le mouvement des indignés) oublient que la plupart des révolutions menées par la rue et bien souvent la violence n’auraient pas été nécessaires en démocratie. Contre-argumentaire. Par Oskar K. Cyrus

    C’est tout d’abord une vision biaisée de ce qu’est une révolution qu’il faut comprendre. Car à l’origine de cette abstention contestataire, il y a l’opposition artificielle de l’action de la rue et celle des urnes. La rue est la solution parce que les urnes n’apportent plus rien. La révolution pour renverser un système injuste, la révolution pour les faire “dégager”, la révolution pour tourner la page, ce n’est, selon cette partie de l’abstention, pas par les urnes que l’on peut l’accomplir. Ce constat erroné est le résultat de deux choses : le succès des révolutions menées par les rues à travers le monde, dernièrement en Tunisie et en Egypte, et une déception générale et profonde du peuple envers la politique.

    Déçu tout d’abord de l’action politique en général, et c’est ce que montre le mouvement des indignés, qui appelle généralement à l’abstention. Il y a derrière ces mouvements un raz-le-bol général du mépris qu’ont les dirigeants envers ceux qui les ont élus : le peuple. Raz-le-bol de cette politique du secret où toutes les décisions les plus importantes se prennent dans le confort des salons. L’exemple typique est celui du Traité Constitutionnel Européen (TCE) refusé en 2005 par référendum et adopté en Traité de Lisbonne quelques années plus tard, sans même que le peuple n’ait son mot à dire. Cet affront parmi tant d’autres est la source profonde de la déception et résignation du peuple menant à l’abstention. Le cas du TCE permet de parler d’une autre déception, plus grave celle-là: les réponses de la gauche face à cette crise de la démocratie. Le Parti Socialiste, définitivement fourvoyé dans la sociale-démocratie à la Blair a voté pour le TCE, et a accepté le Traité de Lisbonne. Plus grave encore, les socialistes français et européens votent très souvent avec la droite au parlement européen. Enfin, ce Parti Socialiste français qui, oubliant l’héritage de Jaurès et du programme commun, finit par tendre ouvertement la main vers un centre qui n’est qu’une droite repeinte, achève définitivement d’installer dans les esprits le “tous les mêmes” et donc par déception le “tous pourris” qui empoisonne la politique française. En s’éloignant du peuple et de ses aspirations profondes, les socialistes ont provoqué non seulement la défaite de 2002 (et l’abstention record cette année-là : 28,4 %), mais aussi celle de 2007, et peut-être celle de 2012.

    Le “tous pourris” installé dans l’esprit de beaucoup de gens est le résultat de tout ça. Ce n’est que de la résignation. La manière dont certains mouvements révolutionnaires (des indignés aux partis et organisations d’extrême gauche) l’utilise est biaisée. Elle repose d’abord sur l’espoir que suscite les succès des récentes révolutions menées par la rue en Tunisie et en Egypte. De là naît l’opposition entre révolution par la rue et révolution par les urnes, opposition caricaturale mais réelle dans l’esprit de certains, qui refusent tout processus électoral, le système étant trop corrompu pour le changer “de l’intérieur”. Cependant, ce raisonnement comportent une séries d’erreurs et de non-sens.

    Contre-argumenter
    Les indignés oublient une chose : il est à la limite de l’indécence de vouloir pour une révolution qu’elle se produise dans les mêmes conditions qu’en Égypte et en Tunisie. En effet, la révolution par la rue n’est nécessaire que dans un régime totalitaire, autoritaire, ou plus largement dans le cas où aucune élection honnête, libre et équitable ne peut voir le jour. C’est le cas en Iran (où la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad a déchaîné les foules), en Russie actuellement, en Syrie, dans d’autres pays du monde, comme ce peut être le cas des États-Unis d’Amérique, où la démocratie est soumise à un bipartisme antidémocratique qui ne permet pas le choix clair des idées. Ce fut le cas en Tunisie et en Égypte, où les peuples, j’en suis certains, auraient aimé que ces révolutions se fassent aussi avec des bulletins de vote plutôt qu’avec des morts.

    Vouloir une telle situation en France, même si l’objectif est l’émancipation du peuple, est irréaliste et fait preuve d’une incompréhension de ces révolutions. En effet, quand il faut dans ces pays que les peuples se battent pour avoir des élections libres, nous en avons une en 2012, dans un pays où l’on peut encore avoir une liberté de choisir. Car la principale demande de ces peuples, c’est pouvoir choisir, pouvoir voter pour choisir l’avenir de leur pays. Faire un choix.

    Ainsi appeler à l’abstention c’est marcher sur la tête : on ne peut pas refuser le processus démocratique en prenant exemple sur l’action de peuples qui le demandaient.

    Et cela, la droite l’a bien compris. Pour l’instant, aucune campagne du gouvernement pour appeler les gens à s’inscrire sur les listes électorales et à voter n’est arrivé jusque dans nos télévision, journaux et panneaux publicitaires. Rien. Seules quelques mairies (souvent de gauche) réalisent ces campagnes quoiqu’assez tardivement, puisque la limite d’inscription sur les listes est à la fin du mois. Ainsi je demande à tous ces contestataires comment ils peuvent sagement faire le jeu de la droite en n’allant pas voter, et prétendre vouloir renverser le système. Car en attendant “le grand soir”, c’est le peuple qui souffre. Il n’y a qu’à regarder : à abstention record, la droite et l’extrême-droite remontent (européennes 2009 : la droite en tête ; cantonales 2011 : progression de l’extrême-droite).

    La rue, les urnes, incompatibles?
    Ainsi il faut démanteler la caricature faisant de la rue et des urnes des solutions incompatibles. Le peuple peut encore s’emparer de la scène politique, et le faire avec force, on l’a vu en 2005, l’implication populaire est nécessaire à la bonne marche de la démocratie. La proposition d’un changement complet du système ne peut exister sans la contestation des mouvements sociaux, et l’implication populaire. On ne peut opposer politique et contestation car contester est une action politique. Il faut maintenant allier la contestation et la proposition. Prendre en compte les aspirations profondes du peuple, les comprendre, leur donner une réponse. Car sans force de proposition, toute révolution est vouée à l’échec.

    La révolution citoyenne que le Front de Gauche appelle de ses voeux, c’est l’implication populaire “à tous les étages” de la vie politique. De la rue à la décision, le Front de Gauche propose une VIe république basée sur la transparence et la démocratie réelle, pour en finir avec la monarchie présidentielle, où le monarque règne et le peuple doit se taire. Avec le Front de Gauche, on votera beaucoup. Et il le faut.

     

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